JE NE SUIS PAS ENCEINTE : ENQUETE SUR LE DENI DE GROSSESSE de Gaëlle Guernalec-Levy

Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de livres de ce genre, et celui-ci me faisait de l’œil depuis un moment.

Le déni de grossesse. Un tabou, encore, dans notre société plus prompte à juger et à ne condamner qu’à écouter et à comprendre.

L’affaire Véronique Courjault a été un choc, qui a fortement ébranlé la France entière, et qui, suivi de l’histoire de Sheryfa Luna, cette gagnante d’une téléréalité qui a vécu un déni de grossesse sous les yeux de la France entière, nous a obligés à ouvrir les yeux et à remettre en cause ce que nous pensions connaître de cette pathologie.

L’auteure de cette enquête montre bien ce double visage du déni : d’un côté, des gens qui doutent, qui se disent que ce n’est pas possible. De l’autre, des victimes qui vivent une double peine : se découvrir enceinte parfois le jour même de l’accouchement et subir le regard voyeur et accusateur de ceux qui nous entourent.

Elle étaye son propos de nombreux témoignages, aussi bien de « mères qui s’ignorent » que de leur entourage, et de quelques personnes qui auront à intervenir parfois lorsque le déni se transforme en drame : avocats, juges…

Le déni de grossesse. Un terme que je trouve inapproprié à ce que vivent ces femmes et qui sous-entend qu’elles savaient, même inconsciemment, et sont coupables de leur état.
Or, en lisant leurs témoignages, on voit bien que, pour les 99%% d’entre elles, cette grossesse, ce bébé, est une véritable surprise lorsqu’elles les découvrent, un vrai bouleversement, pour le meilleur comme pour le pire.

J’ai découvert avec effarement que, loin des quelques cas ponctuels montés en épingles par la presse, c’est entre 150 et 300 femmes qui, chaque année, vivent un déni total ou partiel de leur grossesse.
Sur ce nombre, près d’une vingtaine vont aller jusqu’à l’infanticide à la naissance.
Des chiffres horribles, bouleversants, incompréhensibles pour la plupart des gens.

Car dans l’imaginaire populaire, les personnes qui « vivent » un déni de grossesse seront soit des adolescentes, soit des personnes « diminuées mentalement », et il est impossible, d’après eux, qu’à notre époque, des femmes puissent se retrouver dans cette situation vu les moyens contraceptifs existants.

Et pourtant, et bien avant de lire ce livre, de lire ses témoignages, j’ai toujours ressenti une extrême tristesse et empathie pour ces femmes.

La grossesse est un énorme bouleversement, et il ne suffit pas de neuf mois pour devenir parent, y être préparé.
Alors, qu’en est-il de ces femmes qui le découvrent à sept mois, huit mois, voir le jour de l’accouchement?
Il est alors compréhensible que certaines d’entre elles, sous le choc et le bouleversement, perdent leur esprit et en viennent à des extrémités meurtrières.

Une des témoins l’explique bien, elle qui, le jour de l’accouchement, a été emmenée à l’hôpital par son mari pour une suspicion d’appendicite et qui se retrouve mère. Elle dit que vu l’état de choc qu’elle a subi alors même qu’elle a été entourée, alors même qu’elle nie encore la possibilité d’une grossesse son enfant sur son ventre, elle imagine que le pire aurait pu se produire si elle avait été seule le jour J.
Car il lui aura fallu quelques jours pour vraiment intégrer qu’elle avait été enceinte, qu’elle avait donné la vie, et que cette chose sortie de son ventre, c’est un enfant, son enfant.

En lisant cela, on comprend un peu mieux, on explique plus facilement ses gestes absurdes des nouvelles mères.

Désolée pour la tartine, c’est un sujet qui me passionne, et ce livre m’a permis de découvrir, de m’émouvoir, et de revoir certaines choses que je pensais acquises.

Je ne peux que vous conseiller de découvrir cette enquête fascinante et pleine d’émotion