VOYAGE AU JARDIN DES SENS de Robin Schone

Voyage au Jardin des Sens ou la quête d’une sensualité à fleur de peau. Ce roman est une première de l’auteure pour moi et je dois dire qu’on est ici sur un autre niveau que tout ce que j’ai pu lire en érotique et je pense particulièrement à tous ces titres phénomènes où l’écriture est souvent délaissée pour des scènes de sexes gratuites et souvent vulgaires. On a ici une écriture de qualité, un vocabulaire très imagé, une ode poétique de l’érotisme et deux personnages atypiques dans une époque fin victorienne où les mœurs vertueux et les rôles d’une femme limitée à celle de mère et femme à la vie sociale accomplie.

Elizabeth Petre est mariée depuis 16 ans à un homme qui lui a donné deux fils mais qui depuis des années ne rejoint plus sa couche. Aussi, elle décide de prendre les choses en main en apprenant les bases de la sensualité, de l’érotisme et de la sexualité entre un homme et une femme pour le plaisir. C’est donc à Lord Safyre qu’elle s’adresse, le Cheikh Bâtard à la réputation sulfureuse et dont on ne compte plus les conquêtes. « Je veux que vous m’appreniez à donner du plaisir à un homme », ces quelques mots dans cette bouche aussi vertueuse titilleront la curiosité du Lord mi-anglais, mi-arabe qui acceptera la demande à conditions bien sûr qu’Elizabeth respecte quelques règles.

Par où commencer ? Robin Schone est une auteure que l’on m’a vivement conseillé depuis longtemps. Jusqu’ici, je n’avais pas osé sauter le pas, et quelle erreur ! Ce roman est d’une sensualité magique, d’une sexualité poétique à la fois douce et sauvage et l’éveil des sens primaire et animal. L’apprentissage de la jeune femme face à l’homme expérimenté ne se traduit pas par de nombreuses scènes de sexe. Ici c’est tout en subtilité, des mots doux, sucrés et crus prononcés par la voix rauque et chaude du Lord maître, émoustillant la femme élève, sensibilisant sa peau et la moindre zone érogène. Le titre est éloquent, voyage au jardin des sens, des 5 sens, la vue et le plaisir de regarder un corps, deviner le moindre de ses formes, l’odorat et les odeurs de peaux mêlés à des effluves naturels, le goût de la chair, l’ouïe et les échanges de voix regorgeant de non dit, tamisées par l’attraction, et enfin le toucher, le plus subtil des sens du plaisir charnel.

Elizabeth est une jeune femme peu sûre d’elle et de son corps transformé depuis ses deux grossesses. Délaissée par son mari dont elle connait l’infidélité, elle souhaite reprendre les rennes de leur relation en apprenant comment lui donner du plaisir, car Elizabeth est certes une mère de famille vertueuse et respectable, elle n’en demeure pas moins une femme sensible à la passion charnelle et au plaisir des corps unis de deux êtres. Sa rencontre avec Lord Safyre va la bouleverser de bien des manières, découvrir les plaisirs de la chair sans être infidèle à son mari qu’elle respecte et entrevoir qu’une femme peut être bien plus que l’ombre souriante d’un époux. Le cheikh Bâtard est un personnage à l’aura charnel et passionnel, ce personnage transpire l’exotisme et la sensualité. Fils d’une mère anglaise et d’un cheikh arabe, il est médit dans la haute société anglaise où ses exploits sulfureux et ses nombreuses conquêtes ont profondément terni son image de « bâtard ». Pourtant, cette homme blond, à la peau tannée et au regard turquoise, ne se résume pas qu’à un homme aimant les femmes, c’est aussi un homme blessé, qui cherche à être aimé, désiré pour ce qu’il est et non pour ce qu’il peut apporter à une femme. La venue d’Elizabeth est pour lui un défi nouveau et il se prendra bien malgré lui au jeu. Le charme innocent et candide de cette femme associé à sa vie triste et monotone, rejetée par un mari, incomprise par sa mère et à peine tolérée par son père. Bien vite, la passion et peut être même un sentiment plus noble habiteront l’homme qui ne cherchera qu’à protéger celle qui est devenue son élève. D’autres personnages ont bien sûr leur rôle privilégié dans ce roman, notamment, le mari, la mère et le père qui sont juste détestables par leur parole et leur égoïsme, ils viendront évidemment rendre Elizabeth coupable de sa relation avec Lord Safyre et auront des actes des plus atroces et intolérables.

Robin Schone est majestueuse dans sa façon d’écrire et de nous exposer avec beaucoup de talent et de recherche, des mots justes sur un sujet qui peut rapidement devenir vulgaire. Elle part d’un ouvrage arabe initiatique au plaisir et à la sexualité à l’image des harems pour happer ses lecteurs au voyage des sens. On ne lit donc pas cet ouvrage, on le dévore avec une soif de connaissance et une envie de connaître le dénouement de cette histoire entre deux êtres qui ne cherche finalement que l’amour mais qui devront subir des épreuves tragiques et dictas sociaux.

En bref, une romance érotique sublime dépeignant par ailleurs une époque occidentale fin victorienne et une société orientale arabe plus ouverte qu’aux temps actuels. Un petit bijoux des sens que je ne peux que vous encourager à lire !